Descente aux Enfers

Deux ans que j’avais pas vu Mourad. Je le retrouvais laminé. Son road-trip donnait le vertige…

Publié le 15 juillet 2020

« Mourad ? Ben salut, je m’attendais pas à te voir là ! Qu’est‑ce que tu deviens ? — Je suis SDF. — Ah, merde… » Ça faisait bien deux ans que j’avais pas vu Mourad, et honnêtement, j’avais eu un peu de mal à le reconnaître, avec son visage fané, et son plâtre un peu dégueu autour du bras droit. Je l’avais rencontré voilà quelques années en proche banlieue, sur un conflit dans sa boîte, sous‑traitante pour l’industrie pharmaceutique. Ils supprimaient trois cents postes, je crois, un tiers des effectifs, et il était en première ligne pour lutter, pas viré, lui, mais comme délégué CGT. Toujours à fond, à remuer ciel et terre. Et je le retrouvais là, à une réunion Fakir, dans Paris. Il n’avait plus de téléphone, et même plus grand‑chose à lui, en fait, mais on a réussi à se retrouver deux jours plus tard, dans le quartier de la Butte‑aux‑Cailles. Mourad a pris une bière, les yeux dans le vague. « Pendant le conflit social, mon corps a lâché. J’étais rincé, j’ai eu une fracture de fatigue : ma malléole a pété. Y a deux ans, jour pour jour. J’ai été opéré, j’ai eu des vis, arrêté trois mois, mais j’ai accéléré mon retour. Ça chauffait, alors j’allais assister aux réunions de C.E. C’est là que la descente aux enfers a commencé. — Le conflit était pas fini ? — C’était pas un conflit, c’était un rouleau compresseur, plutôt. Moi j’étais tout neuf, j’avais jamais

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