« On va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation. J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. »
Cette envolée de Macron, c’est déjà une victoire pour nous.
Oui, c’est une victoire de Fakir.
à force de courir, hamsters volontaires dans notre propre roue, on oublie souvent de regarder derrière, et de se féliciter : dès ce printemps, nous avons monté un groupe de travail, dépiauté des rapports, des articles, passé les données au crible en réunion, avant de réfléchir à la portée sociale, politique de ce projet. Et de consacrer, les premiers, un dossier à la 5G.
Notre rédac’ chef était intellectuellement armé. Aussitôt rendues publiques les conclusions de la Convention Citoyenne pour le Climat, de ces 150 citoyens tirés au sort qui, à 98 %, ont réclamé un « moratoire sur la 5G », qui ont jugé cette « technologie sans réelle utilité », aussitôt, notre député a vu « anguille sous roche » : à l’Assemblée, puis sur les plateaux télé, fut mis en lumière le mensonge du Président.
Pour accompagner ce débat, naissant, pour offrir un argumentaire aux sceptiques, aux hésitants, nous avons publié un Tchio Fakir, un quatre pages accessible, pédagogique, pour informer son voisin, convaincre son cousin. Et grâce à une cagnotte, 17 000 euros récoltés, on couvrait (presque) les frais d’impression et de postage, pour les 200 000 exemplaires adressés à nos 35 préfectures fakiriennes. Et là, des centaines, des milliers de petites mains l’auront cet été réceptionné, distribué sur les marchés, tracté, l’auront pris comme support de réunions publiques.
Et c’est un Fakirien, encore, avec d’autres, qui a initié, coordonné, la tribune des maires verts, des élus insoumis, critiques sur la 5G, réclamant moratoire, débat, délibération.
Et la petite phrase « amish », oui, c’est une victoire : ça ne passe pas comme une lettre à la poste, et le start-upper Macron est condamné à sortir du bois, à passer en force, et à forcer le trait. Mais, au fond, il situe le débat, sinon au bon niveau, du moins au bon endroit : le progrès technologique est-il toujours synonyme de progrès humain ? La démocratie peut-elle trier parmi les avancées disponibles, ou parmi ses usages ? La société doit-elle intégrer toutes les techniques, sous peine de retourner à la « lampe à huile » ?
Voilà le véritable débat, dont l’arrivée de la 5G est l’occasion : pas seulement la 5G, mais la société qui va avec, celle du numérique. Les cinq heures passées, chaque jour, en moyenne, sur nos écrans. Les troubles du comportement, chez nos enfants, les retards du langage, la sécrétion de dopamine, la concentration affaiblie, les dépressions des adolescents…
Autant de dangers déjà avérés.
« On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste », prônait Gébé dans l’An 01. Et ce n’est pas un hasard si le Président, et ses ministres, filent la métaphore de la « course », contre la Chine, les États-Unis, l’Allemagne, le « retard » qu’on risque, l’« avance » qu’on doit prendre, et la crise du Covid, on le devine, qui leur permet d’« accélérer ».
à défaut d’obtenir une pause, pour de bon, au moins peut-on le faire le temps d’un dossier, dans nos colonnes : le hamster-rédacteur et le hamster-lecteur qui sortent de leur roue…