Leurs vies aux enchères

Quelques coups de marteau : ça va vite, de liquider une usine, et les vies qui l’habitaient depuis quarante ans…

Publié le 3 mars 2023

Viviez (Aveyron), le 6 décembre 2022

«Ça va, petite ? » Assis dans la salle, Yvon m’adresse un sourire triste. Je me fraie un chemin jusqu’à lui, entre les chaises et les genoux. Yvon, ancien fondeur, quarante ans d’usine, m’avait accueillie comme un vieux sage, un grand‑père généreux et bienveillant. J’avais passé trois semaines avec lui et les autres ouvriers de la SAM début 2022, puis plusieurs mois, ensuite, à suivre le procès des anciens représentants du personnel, leaders de la lutte, assignés par les mandataires judiciaires pour « occupation illégale » parce qu’ils ne voulaient pas qu’on démantèle leur usine. 154 jours, il y avait campé, avec ses camarades de lutte, alors qu’ils étaient déjà officiellement licenciés. Et c’est cette même usine, ses machines, leur outil de travail, qu’on vend, aujourd’hui. Aux enchères. Qu’on va brader, plutôt… « Pour le démantèlement ? Non, non, j’aurai pas de travail. » Yvon se penche et chuchote avec son voisin de droite. « Ils ont déjà leur filière. Ils vont s’arranger entre eux, ils se connaissent tous. » Il est le seul des anciens salariés à être venu assister à tout ça. Les autres n’ont pas eu le goût. J’espérais en retrouver d’autres, de ces visages que j’avais croisés pendant des semaines, pour mon documentaire. Alors, avant les premiers coups de marteau, je sors prendre l’air dehors, quelques minutes. L’usine de pièces auto

Contenu réservé à nos abonné·es

3€ par mois seulement !

Vous devez être connecté·e à votre compte Fakir pour accéder à cet article.

Articles associés

Pour ne rien rater, inscrivez-vous à la

NIOUZLAITEUR

Les plus lus

Les plus lus

Retour en haut