Vis ma vigne

Un été durant, chez les Soubeyrand, je me suis fait ouvrier agricole. Avec joie. Avec le ravissement d’aller aux masses, de rencontrer le peuple, de renouer avec mes racines paysannes…

Publié le 8 novembre 2013

"C'est bon, ils t'embauchent ", a souri ma mère en raccrochant le téléphone. Dans une semaine, je serai ouvrier agricole. Entre coups de déprime et révoltes intempestives, mes études partaient complètement en confiture. Maman avait tenté un temps des interprétations psychanalytiques, mais devant ma propension à m'embrouiller dans de hautes spéculations freudiennes et de considérables volutes de fumée, elle avait résolu toute l'affaire en m'envoyant bosser. J'étais aux anges. Je n'allais pas seulement devenir ouvrier, intégrer la classe d'intérêt général, celle de Marx, du Front populaire et de toutes mes légendes prolétaires – j'y additionnais cumulard la condition paysanne, bras veineux et mains calleuses à louer pour subsister. Conjuguer aussi impeccablement la totalité de mes obsessions adolescentes était inespéré. Je suis parti alors complètement en fusée campagnarde et exploitée, comptant impatient mes derniers jours d'étudiant désœuvré. Loin d'en rabattre et de m'expliquer qu'il était question tout compte fait d'un boulot d'été, papa s'est mis immédiatement lui aussi à dégénérer en charrettes, coups de fourches et jacqueries. C'est-à-dire que depuis des dizaines de générations cévenoles de Souchon on n'avait que ça, tous autant qu'on y était, notre rurale force de travail à proposer. " Quand il avait quinze ans, il me racontait les yeux embués, mon père avait rien à bouffer. Il avait pas lu Zola, ni rien, d'ailleu

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