Le scandale de la Dépakine
30 400 : c’est le nombre d’enfants, selon l’étude conjointe de l’ANSM et de l’Assurance maladie, victimes de troubles neuro‑développementaux dans l’affaire de la Dépakine. S’y ajoutent jusqu’à 4 100 enfants nés avec des malformations, handicapés, très lourdement. La Dépakine ? un médicament contre l’épilepsie, produit phare du laboratoire Sanofi, ancien fleuron public repris d’une main de fer par des financiers au début des années 2010. Très vite, dès les années 80, des malformations congénitales liées à l’utilisation de la Dépakine sont constatées, chez les enfants de femmes l’ayant utilisé enceintes. Dès 1986, au moins, le laboratoire sait que son médicament engendre des cas d’autisme. Mais la firme se tait, par cupidité. Des femmes vont donc donner, massivement, naissance à des enfants autistes. Ce premier scandale en cache un deuxième : Sanofi refuse de payer pour ses délits. Le labo refuse de verser un euro au fonds d’indemnisation mis en place par l’Etat. Et lorsque Sanofi est condamné à verser 3 millions d’euros par la Justice, dans le cas de la petite Camille, que décide la firme ? De faire appel, puis, condamné à nouveau, de se pourvoir en cassation.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
A‑t‑il, par le biais de ses ministres de la Santé, exigé que Sanofi paye l’Oniam, qui a commencé à indemnisé les victimes ? Non. Il laisse l’état, les contribuables, payer. Alors que la facture pourrait avoisiner les six milliards d’euros. A‑t‑il au moins condamné, officiellement, la firme pour ses agissements ? Non. Au contraire : il envoie, régulièrement, ses ministres la défendre. C’est, dès l’été 2017, le Premier ministre Edouard Philippe qui prévient : « Il ne faut pas dénigrer une entreprise française comme Sanofi, une entreprise qui fonctionne bien. » C’est Christophe Castaner, alors porte‑parole du gouvernement : « On ne doit pas critiquer des entreprises qui réussissent, comme Sanofi. » C’est la ministre de la Santé d’alors, Agnès Buzyn : « Faire payer Sanofi, ça n’est pas l’urgence. »
Pourquoi ? Parce qu’entre Emmanuel Macron et Sanofi, c’est une idylle qui remonte à loin. À 2007, précisément, quand Serge Weinberg, qu’il rencontre à la Commission Attali (voir page 13), fait entrer le jeune énarque Macron chez Rothschild. Serge Weinberg aujourd’hui PDG de Sanofi, et intime du Président. Qui fait même de Weinberg, en 2020, Grand commandeur de la Légion d’honneur. Ou de déshonneur ?
Le scandale des rejets cancérigènes
Dimanche 8 juillet 2018 : on apprenait qu’à Mourenx, dans les Pyrénées‑Atlantiques, Sanofi rejette dans l’atmosphère « 190 000 fois plus que le maximum autorisé de bromopropane et de valproate de sodium, deux substances cancérigènes et mutagènes ». La Préfecture conclura que les rejets durent depuis quarante ans. « Avec les vents dominants dans la région, leur vitesse, il y a dilution des gaz toxiques dans l’atmosphère », assure Sanofi, dans un plagiat de l’épisode Tchernobyl.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
Le lundi 9 juillet 2018, au lendemain de la révélation du scandale, Sanofi était reçu à l’Élysée, par Emmanuel Macron en personne. Pour demander des comptes à la firme ?
Non. Olivier Brandicourt, DG de Sanofi, est là comme président du Dolder, forum privé – et secret – des vingt-cinq plus gros laboratoires mondiaux. Et dès le lendemain, Brandicourt se réjouissait à la Une des Echos : « Les mesures du gouvernement sont encourageantes. » Avec, entre autres, une promesse de croissance minimale de 3 % sur les prix des médicaments, et une aide supplémentaire de l’état pour Big Pharma, à hauteur de 200 millions d’euros.
Le scandale d’une recherche détruite, et d’un vaccin introuvable
En à peine plus de dix ans, Sanofi a touché près de deux milliards d’argent public pour développer la recherche et l’emploi. Dans le même temps, il a licencié près de la moitié de ses chercheurs : quatre mille dans le monde, deux mille en France. Sanofi a également fermé, en dix ans, huit de ses onze laboratoires de recherche sur le sol français. Le groupe s’est ainsi désengagé de nombreux domaines de recherche : les antibiotiques, la cardiologie, la neurologie, la maladie d’Alzheimer, le diabète.
Et logiquement, évidemment, dirait-on, Sanofi n’a pas été capable, en deux ans, de trouver un vaccin ou un remède contre le Covid-19. Tout en prévenant, par la voix de son directeur aux états-Unis : « Si un vaccin est trouvé, les états-Unis seront servis les premiers ». Parce que meilleurs payeurs.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
Alors que Sanofi distribue, chaque année, 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, Emmanuel Macron a-t-il décidé de suspendre les aides publiques à l’entreprise, le Crédit impôt recherche (130 millions par an) ou le CICE (30 millions par an) ?
Non. En revanche, en pleine tempête médiatique après la déclaration de Paul Hudson, il se rend, le 16 juin 2020, sur un site Sanofi près de Lyon. Pose en compagnie de Weinberg et Hudson. Quoi de mieux qu’un président de la République pour absoudre la firme ? Il promettait, même, 200 millions d’euros d’aide supplémentaire pour la production pharmaceutique. Dans la foulée, Sanofi annonçait 1 700 suppressions de postes dans le groupe, dont 1 000 en France.
Que fait Emmanuel Macron, finalement, depuis cinq ans ?
La question mérite d’être posée : pour qui travaille Emmanuel Macron ?
Pour la République et les finances publiques ? Pour les victimes de la Dépakine et de Mourenx ? Pour nous défendre contre les prédateurs ?
Ou bien, en vérité, en sous-main, pour les prédateurs eux-mêmes ?
Pour Sanofi et son PDG ?