« J’ai 36 ans et je viens d’avoir un bébé. J’ai 36 ans et je suis internée. » Cela faisait deux mois que le récit de Manuelle était accroché sur le tableau de la rédaction, parmi tous les mots gentils ou les courriers d’appels à l’aide. On l’a appelée, sans trop savoir de quoi il retournait...
« J’ai vécu toute ma grossesse en étant stressée. C’est peut-être l’élément déclencheur de mon épisode hypomaniaque. » Au bout du fil, la voix est douce mais le débit est rapide, d’emblée. J’ai du mal à suivre.
« Hypomaniaque ?
— Après mon accouchement mes émotions se mêlaient entre l’euphorie et la fatigue. J’avais besoin de décompenser, d’évacuer tout le stress accumulé. Ça faisait plusieurs jours que je ne dormais plus, on veillait sur le petit avec mon conjoint. Mais on avait chopé le Covid à l’hosto, du coup on était fatigués. C’était intense : on était parents pour la première fois. C’était tout nouveau. C’est à ce moment-là que plein de sentiments ont émergé. Je savais que c’était des signes précurseurs d’un épisode hypomaniaque, les pensées et l’humeur qui se troublent.
— Comment ça ?
— Il y a une quinzaine d’années, j’avais 20 ans, j’ai déjà fait ce genre d’épisode. J’étais animatrice en colo et il y avait des enfants amochés psychologiquement. Certains d’entre eux étaient abusés, violés dans leur famille, leur centre d’accueil. C’était horrible, et moi j’étais toute jeune et je devais les gérer... »
Manuelle revient, d’un coup, sur l’accouchement. Et je la sens révoltée, maintenant. « À l’hôpital, j’ai essayé d’allaiter. C’était horrible. J’avais mal aux seins. Les sages-femmes répétaient sans cesse ‘‘allez faut ê