Notre part de Magyd

« Je ferais bien l’article sur Ma part de Gaulois, le livre de Magyd Cherfi. T’en dis quoi ? », m’avait lancé Fabian, comme ça, l’air de rien. Tu penses ! Bien sûr que j’en dis du bien ! Magyd Cherfi et notre pote Tayeb, Zebda, Mouss et Hakim, le Tactikollectif et les Motivés, Vitécrit, les livres, les films et les albums, et la scène : c’est une œuvre plurielle, multiple et essentielle, que tissent les Toulousains depuis plus de trente ans…

Publié le 25 février 2025

« C’est vrai, tu l’as eu ? »

En cet été 1991, je prends le train depuis Amiens pour rentrer dans mon petit village picard.

Dans la maison familiale, l’émotion est palpable : les larmes montent aux yeux de ma mère.

Je viens de lui annoncer que j’ai le Bac.

Trouble, surprise.

Est-ce si extraordinaire ?

Après tout, je n’ai suivi que la route qu’on m’avait tracée.

Je suis dans l’air du temps : quelques années auparavant, en 1985, le ministre PS de l'éducation nationale, Jean-Pierre Chevènement, affirmait qu’il fallait « amener 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat ».

Je n’ai pas été animé par une franche conviction. Peut-être 11 sur 20. Mais c’est bien le minimum, sinon pourquoi aller jusqu’en classe de terminale ?

C’est bien après, en découvrant chez Bourdieu le faible pourcentage de fils d’ouvriers accédant aux études supérieures, que je me suis aperçu que ma situation n’était pas tout à fait banale. Mes parents, d’un milieu populaire, n’avaient pas eu d’autre choix que de s’arrêter au « certif’ », le certificat d’études primaires.

En lisant le livre de Magyd Cherfi, Ma part de gaulois, j’ai replongé, par certains aspects, dans cette anomalie. Pour lui, l’année du Bac, c’est une dizaine d’années plus tôt, lors de l’été 1981, à Toulouse. Et pour sa mère, l’enjeu est de taille : c’est un espoir, une reconnaissance sociale qui se dessine. Lui aussi est fils d’ouvrier, sa mère s’occupe de tout à l’intérieur de la maison, et – obstacle supplémentaire qui ne devrait pas en être un – il vient d’une famille immigrée. Il ne le sait pas encore, mais le chemin qui mène jusqu’en classe de terminale sera semé d’embûches. Pourtant, l’école,

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