Une vie poussée dehors

De Michel (Bordeaux, 33), par lettre le 23 août.

Michel et son épouse ont été chassés de leur immeuble, détruit par la mairie de Bordeaux…

Le degré de civilisation d’une société se mesure à la manière dont sont traités les vieux. Même dans ce domaine la France ne brille pas. (…)
A l’aube de mes quatre-vingt-cinq ans, me trouvant de ce fait engagé en première ligne face à cette pandémie qui décime des milliers de personnes âgées, je m’estime en droit de rappeler à certains l’obligation du devoir d’humanité envers l’Autre.
(…) Petit enfant, l’exode, jeune adulte, la guerre d’Algérie, la nation me félicitant pour « mes services exceptionnels », puis une longue période de cinquante-deux années de « jours heureux » dans un agréable logement entretenu avec soin. Havre de paix également où furent accueillis familles et enfants d’origines diverses : asiatique, africaine, européenne de l’Est. Désormais encagé dans un clapier, inutile d’envisager de pareilles initiatives fraternelles. (…)
Autrement dit, alors qu’avec mon épouse, nous poursuivions notre pèlerinage terrestre dans l’apaisement et la sérénité (gages d’une vieillesse agréable), il s’est trouvé des séides pour nous infliger des meurtrissures psychologiques : douleur, souffrance, tristesse qui vont perturber notre fin de vie. Individus auxquels je pose deux questions. L’une : qu’avons-nous fait pour subir un tel traitement ? L’autre, est-ce ainsi que les hommes vivent ? (Aragon).

Gare à Auchan

De Julie et Louise (Paris), par courriel, le 6 juillet.

La rue du faubourg Saint-Denis : une toute petite portion, entre la gare de l’est et la gare du Nord. Ici, les commerces s’ouvrent et se ferment en ordre dispersé : un vendeur de canapés, une pharmacienne, un café sympa, des épiceries orientales. Mais depuis avril 2019, notre rue si tranquille devient brutalement une gare routière à ciel ouvert. Un va-et-vient de 1600 bus par jour. Sur ce petit tronçon de 400 mètres de long, 10 lignes de bus viennent brutalement s’y échouer, quasi à l’arrêt, dans un bruit assourdissant, une odeur de diesel, lourde, permanente, un torrent de ferraille, laissant les riverains hagards, choqués. (…) Cet aménagement dans notre rue, sa mise en double sens et le fait d’y avoir imaginé y faire circuler toutes ces lignes, étaient liés à la construction du projet Auchan Gare du Nord…
(…) En gros, c’est tout le quartier qui se retrouve préempté par Auchan… Un bel alibi financier, un deal win-win : en très résumé, l’Etat ne paie pas la rénovation de la gare, c’est Auchan qui paie et en échange, elle engrangera les bénéfices de l’exploitation commerciale des espaces publics pendant 46 ans. Magnifique cadeau de consolation depuis l’abandon d’Europacity.
(…) Alors que soyons clair, il s’agit pour l’essentiel non pas de la réfection d’une gare mais de l’édification au-dessus de la gare d’un gigantesque et inutile ensemble de 75 000 m2 de surface commerciale et immobilière. (…) Les voyageurs quotidiens continueront à galérer sur des quais étroits. Au-dessus d’eux, des espaces de consommation aérés, clairs, absurdes… Deux mondes.
Collectif #1600bus / 1600busfsd@gmail.com

Réincarnation

De Michael, par courriel, le 24 juillet.

On se disait bien qu’il n’avait pas toujours la tête sur les épaules, le rédac’ chef…

Je suis avec une amie qui, comme plusieurs personnes dans ce monde, a des dons de médiumnité. L’autre soir nous nous sommes retrouvés un peu par hasard à une pièce de théâtre en plein air sur le sujet de la Révolution française et l’histoire de Robespierre. Et comme mon amie a un don particulier pour visualiser les vies antérieures des gens (elle travaille donc sur le karma), je lui ai demandé si elle arrivait à voir une éventuelle réincarnation de Robespierre dans la vie d’aujourd’hui. Assez rapidement elle a reçu l’information et c’est François Ruffin. François, qui comme par hasard est passionné de l’histoire de la Révolution française. Je me suis dit qu’il serait intéressant que cette information parvienne aux oreilles de l’intéressé afin que s’il le souhaite il puisse faire une démarche auprès de cette karmathérapeute (ou quelqu’un d’autre) afin de recouper cette information. Et ça peut être important de savoir qui on est, pour pouvoir gagner une plus grande clarté sur ce qui est notre vocation ou mission sur terre.

Les eaux usagées aux usagers !

De Marc (Prément, 02), par courrier, le 9 août.

En 2008, Marc rejoint le comité des usagers des eaux de son coin…

Alors que je pensais bêtement que tout le bazar appartenait à Véolia, je découvrais que les sources, les stations de pompage, les centaines de kilomètres de tuyaux sont la propriété du syndicat. (…) Nous apprenons que le contrat arrive à échéance en 2013. Les partisans de la régie étaient surtout contre le fait de filer du fric à une société du CAC 40 qui faisait de gros sous, alors que tout le matériel appartient au syndicat et qu’il y a des gens qui peuvent être salariés par le syndicat pour faire tourner la machine.
Nous en avons entendu de belles : nous allions envoyer au chômedu 40 personnes, bande d’inconscients, et imaginez, une coupure de réseau un dimanche après-midi, l’horreur absolue, il n’y aura plus personne, reproches relayés par le député du coin !
Les gens de Veolia avaient bien fait leur boulot, leur raconter des salades, et ça a bien marché.
(…) Ils ont juste réduit leurs prétentions de 13%, pas pour la facture des abonnés, non, pour des travaux sur le réseau, et l’équipement en « compteurs intelligents » pour alerter en cas de fuite.
Tout récemment, j’ai ironisé sur une méga fuite près du réservoir de la commune, et sur les compteurs qui ne servent à rien ! C’est curieux, il y a un bon temps que je ne suis plus convoqué pour les réunions des représentants des usagers…

La Palme du Fayot

Franchement, l’été ne vous réussit pas. Vous pensiez que le grand jury du prix de la Lèche était en vacances ? Que la palme du Fayot faisait relâche ? Résultat, vous ne faites que nous engueuler, ou quasi, ce mois-ci.
Et ça commence avec Robert, de Béziers.
« Je suis choqué de FAKIR dans une enveloppe en matière plastique. (…) Les océans sont saturés de débris de matières plastiques. Beaucoup d’animaux marins meurent d’avoir ingurgité des débris de plastique et nous en ingurgitons nous aussi à notre insu quand nous mangeons du poisson. » Remettons les pendules à l’heure, Serge : tu le saurais si tu étais un lecteur plus attentif : Fakir t’est envoyé sous matière recyclable et biodégradable (voir n° 88). Recalé !

Mais déjà Michel C., de Cussac (Loire), nous tombe dessus :
« Même si on peut en apprécier l’humour (la politesse du désespoir) merci de ne pas trop charger la mule sur les réabonnements… Le prélèvement automatique c’est aussi déléguer un peu plus de la gestion de nos vies aux banques – non merci. » C’est surtout déléguer un peu plus la gestion de vos sous à Fakir ! Et c’est nous assurer un matelas de sécurité… Alors, tous au prélèvement automatique !

Au milieu de ce torrent de reproches, le simple mot de Michel G. suffit à nous mettre du baume au cœur : « Merci d’exister et de faire entendre la voix, la détresse, de ceux qui n’ont pas accès aux médias. Vous êtes un support, un appui véritable. Longue et riche vie à vous. » Et pour « l’enrichir » un peu, notre vie, Michel conclue : « Oui, je me réabonne » ! Le voilà, notre palmé estival !
Vous pouvez vous en mordre les doigts, fayots qui rivalisez d’imagination depuis des lustres : la barre n’était pas bien haute, ce mois-ci, pour décrocher l’or. Mais le Prix de la Lèche, c’est comme une médaille aux Jeux olympiques : elle s’offre à celui qui est là le jour J !