Nos temps héroïques

« Tu prends un café ? — Allez, pour une fois… » C’est que ça promettait de durer, notre entretien : écouter le rédac’ chef, comme un grand‑père accoudé à la table de sa cuisine, raconter les débuts de Fakir… « Ça va intéresser personne, c’est autocentré… », il avait bougonné. Je suis pas certain, j’avais répondu : parce que, les débuts de ce canard, ça raconte aussi une époque, une ambiance, un combat de David contre mille Goliaths. Ça raconte une aventure, aussi, qui en fera naître plein d’autres. Et puis parce que vous aimez Fakir, quand même, on espère bien ! Alors, voici les temps héroïques des pionniers…

Publié le 24 septembre 2021

Chapitre 1

Retour de Biélorussie Fakir : Comment ça commence, Fakir ? T’étais jeune, c’est ça, vingt ans à peine, quand tu lances le canard ? François Ruffin : Ouh là, faut que je me replace dans mon adolescence, là… À l’époque, j’écrivais beaucoup, de tout, de la poésie, des romans policiers, des essais, de la critique des médias, même un livre sur la Biélorussie. Bon, rien n’a jamais été publié, hein, et tant mieux... J’avais un désir d’expression, au sens premier du terme : ex‑primer, « pousser dehors ». Alors que, au contraire, j’étais plus que timide, carrément renfermé. Au‑dedans, ça bouillonnait, de mots, de colères, de révoltes, mais sans un canal pour s’exprimer. Fakir m’a guéri. Fakir : Plutôt que de lancer un journal, pourquoi tu n’as pas fait un stage ? F.R. : Jamais je n’ai frappé à la porte de France Bleu, du Courrier Picard, de Charlie Hebdo, jamais ça ne m’a même traversé l’esprit. Parce qu’il y avait pour moi un interdit social. Dans ma famille, jamais personne n’avait travaillé dans le cinéma, dans le journalisme, dans un truc culturel. Et puis, je ne vivais pas avec une immense estime de moi‑même, au contraire, je me regardais comme un zéro, avec en même temps un immense orgueil. Les deux. Je balançais entre l’infini et le rien, les deux cohabitaient. Nous sommes condamnés à ça, je crois, pas que moi, c’est notre position dans la société, ce déséquilibre. Eh bon,

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