On avait un rêve.
Oui, d’accord, des rêves on en a plein, toujours, à chaque âge de la vie, certains furtifs, d’autres qui traînent longtemps avant qu’on ne les réalise, ou pas, d’ailleurs.
Notre rêve, à Fakir, nous travaillait depuis des années, peut-être même depuis les débuts de ce canard, à l’heure glorieuse de la photocopieuse, quand il se vendait de main à main, et sortait quand il pouvait, peut-être demain, si tout va bien.
Oui, on avait toujours caressé l’ambition de passer en mensuel. C’était antinomique, pourtant, avec le peu de moyens qu’on avait, et avec notre ligne : prendre le temps, aller voir là où les autres ne vont pas, enquêter, aussi. Mais bon, ça avait du cachet, « Fakir, journal mensuel ». C’était notre but, jusqu’à il y a peu de temps encore – on vous l’avait évoqué, ici même.
Mais les faits sont venu bousculer notre horizon. Le prix du papier qui a explosé (et nos faibles moyens, sans actionnaires ni pub), les kiosques Relay qui appartiennent désormais à Bolloré (pas bon pour la presse alternative, et pas bon pour la presse tout court), une loi qui permet de renvoyer dans l’arrière-boutique les titres qui mettent peu d’exemplaires en rayon… Pas question pour autant d’abandonner le papier – on vous rassure. On est trop attaché à l’écrit et à cette relation presque charnelle qu’on entretient avec un journal, qu’on ouvre, feuillette, prête aux copains, aux copines, à la famille (et on sait que vous le faites aussi : tant mieux, allez-y !), et Fakir continuera sa vie en kiosques et dans vos boîtes à lettres, pareil qu’aujourd’hui. On l’a vu avec la dissolution, toutefois : comment, dans la bataille idéologique qui bat son plein, être à la pointe du combat, armés, réactifs, toucher tout le monde, tous les publics – enfin, le plus de monde possible, au moins, soyons modestes ? Celles et ceux qui lisent notre canard papier, parfois depuis un quart de siècle, mais aussi celles et ceux qui vont sur notre site, celles et ceux qui aiment les vidéos, écoutent des podcasts, celles et ceux qui lisent des bouquins ? Taper tous azimuts ?
Alors, on a remisé nos rêves de mensuel pour relancer Fakir TV (plusieurs vidéos sont déjà en boîte), refaire notre site (il est presque prêt, dans l’arrière-cuisine numérique), éditer de nouveaux bouquins (on en a une jolie pile sous le coude, on s’y replonge dès que ce numéro est sorti), etc., etc.
On avait un beau rêve, mais on a encore mieux à vous proposer : un journal, un site, une télé, des bouquins, et puis toujours des Tchios Fakir – nos « 4-pages » que la presse entière nous envie –, plein de manifs et d’événements chaque fois qu’il le faudra. Tout ça sera prêt très bientôt – la fin de l’année, en gros, pour les 25 ans du canard.
Et avec tout ça, si c’est pas nous qu’on va gagner à la fin, on n’y comprend plus rien !