Aux grévistes, la Patrie reconnaissante !

Quand les petites mains qui veillent sur les Grands hommes discutent, le scandale leur saute aux yeux. Mais l’esprit de Jaurès les a inspirées !

Publié le 15 octobre 2024

« C’est un monument historique, et je travaille là-bas depuis 28 ans ! Mais les conditions de travail, c’est compliqué. Il fait super froid, 7 degrés actuellement, et on est déjà descendu à 4. On se les gèle. Il y a des carreaux cassés, des pigeons qui passent… » Il caille, au Panthéon, le temple des grands hommes et des grandes femmes, en plein cœur de Paris. Denis est agent d’accueil et de surveillance, la soixantaine, moustachu énergique. Même dedans, pour ses quarante collègues et lui, ça caille sévère. « On est dans un frigo géant, en fait. » Autre problème : la fréquentation du site explose. « Depuis que Notre-Dame a pris feu, les visiteurs ont basculé ici : on a franchi le million de visiteurs l’année dernière. 3000 par jour ! ». Pour les caissiers, ce sont des cadences infernales, « un flux continu. Les collègues, ils ont entre 4 et 7 secondes entre deux visiteurs. Même pas le temps d’aller aux toilettes… » Et c’est pas tout : le 23 janvier dernier, une porte de 300 kilos se détache, manque d’écraser deux employés. « Ça fait des années qu’on alertait sur le danger de cette porte. Les accidents du travail se sont multipliés, chez les visiteurs, aussi. » C’est la goutte d’eau. Les agents se réunissent dans les algecos qui font office de bureau du personnel. « C’est un progrès : avant, nos locaux, c’était la sacristie de 5 m2… Y en avait ras-le-bol. Première revendication : une nouvelle porte. Deuxième : embaucher, à l’accueil en priorité. On court partout, tout le temps. Un autre exemple : le Panthéon, c’est une sépulture, on doit respecter le silence. Normal. Mais on a un seul agent pour ça ! » Une autre revendication surgit, au fil des réunions : deux employés sont encore moins bien lotis que les autres : Ganesh et Éric, les deux agents d’entretien.
« Deux seulement, pour un site de plus de 9000 m2, sans compter toutes les parties externes ! Ils ont 28 ans d’ancienneté, le dos cassé, quand ils sont en train de manger on les appelle au talkie pour déboucher les toilettes… » Or Ganesh et Éric, qui ne réclament jamais rien, se sont fait avoir sur les primes de pénibilité : ils n’en ont jamais vu la couleur. Ou plutôt si : 11,50 euros… tous les six mois !

La grève débute le 22 avril. Le taux de grévistes frôle les 100 %. « Le Panthéon qui ferme ses portes : l’air de rien, en termes d’image, pour la direction, c’est pas terrible ». Surtout que « pour nous, les agents sur le terrain, en bas, la grève a permis de resserrer les liens. Il y a une meilleure ambiance entre nous, on se connaît mieux. C’est ce qui est intéressant dans des moments comme ça : des collègues se solidarisent, s’impliquent. La grève, c’est pas juste « on arrête le boulot ». C’est un moment où on discute, on prend conscience de sa force en tant que collectif. C’est de la solidarité qui est gagnée. Du coup tu t’attaches. »

Et tu gagnes, aussi : en quatre petits jours de grève seulement, le mouvement fait plier la direction. Jean-Élie, co-secrétaire de la CGT des Monuments Nationaux, dresse la liste des victoires : « Une nouvelle porte, un nouvel algeco, un poste d’agent à temps complet à la billetterie, un poste permanent pour l’accueil et la surveillance, un autre poste à 70 %, la hausse d’une prime pour une dizaine d’agents, l’engagement de régler les centaines d’heures de nuit non payées, augmentation de 108 euros net par mois pour Ganesh et Éric… » Et le plus important, peut-être : « La solidarité entre agents ! » Le tombeau de Jaurès, ça vous inspire ! Denis : « Ganesh et Éric ont franchi un échelon, ils vont pouvoir partir avec une meilleure retraite. On était encore plus content pour eux que pour nous même ! Eux qui n’avaient aucune reconnaissance… » Entre ici, droit de grève : la lutte paye !

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