L’exploité du mois : Nicolas, l’exploité Don Quichotte

« Hurler tout seul dans mon salon, à un moment, je me suis dit que ça devenait inutile. Je pétais les plombs, mais j’ai eu pas mal de temps pour réfléchir, aussi. »

Publié le 15 octobre 2024

C’était pendant le confinement, à Agen, dans le Lot-et-Garonne. Nicolas n’a pas encore atteint la quarantaine mais s’interroge déjà, derrière son collier de barbe soigneusement taillé. Plus que ça, même, le sentiment d’injustice le submerge : « J’ai dégoupillé quand j’ai vu comment les gosses de maternelle, de primaire, étaient traités pendant cette pandémie – et leurs parents aussi. » D’autant qu’au boulot, c’est pas la joie non plus. « J’étais dans mon tunnel de salarié exploité… Mon employeur de l’époque était intransigeant, il nous fliquait, et moi en tant que délégué du personnel sans syndicat, on m’avait écrabouillé ! J’étais essoré. Pourtant, je ne me plains pas, je suis ingénieur, je gagnais ma vie correctement, mais je me disais « Comment font les autres ? ». »

Alors, Nicolas se souvient qu’il lit Fakir depuis 2017. « Je m’étais même mis à le distribuer autour de moi au moment des Gilets jaunes, je donnais un petit coup de main. Je n’étais pas dans les milieux militants. » Justement, ça allait changer. « Petit à petit, j’ai commencé à me construire des réseaux de solidarité, avec les parents d’élèves, les syndicats… Les gens ne voulaient pas de journaux ou de discours trop politiques, mais Fakir, ça permettait de débattre avec plein de monde. Ça apporte des choses qu’on ne voit pas ailleurs en termes d’analyses, et de rendre visibles les invisibles. Le dossier sur « Les vrais chiffres du chômage », par exemple, c’était parfait, pour convaincre.
— Et vous avez mené des batailles, localement ?
— Ouais ! On a même réussi à obtenir de l’agglo une réduction des tarifs du bus scolaire, par exemple.
— J’espère que ça te prend pas trop de temps pour être exploité par
Fakir…
— Non, t’inquiète : je fais les distributions, les ventes pendant les manifs, les retraites par exemple, les bouquins aussi. Le Tchio Front populaire, tout est parti en 24 h, c’était top. »

Nicolas, s’il a mis « un peu de temps à rebondir », bosse désormais pour une association de gestion des déchets à l’autre bout de la France, et à distance, donc. Ce qui lui permet d’organiser son temps, et de mener ses activités militantes, le soir, quand les gamins sont couchés. Et même de se mettre à la boxe anglaise ! « Pour le gainage, la souplesse, le cardio, c’est vraiment bien. Eh, je suis plus tout jeune, j’approche les 40 ans… » C’est pas tout : il est « passionné de pinard, mais pas les grands crus, hein, le vin du petit paysan qui fait pas comme les autres ». Il y a la lecture, aussi. « Je lis tout, de Fakir, parce que je suis vraiment attaché au journal, aux histoires de ces gens qu’on essaie de comprendre, à Don Quichotte. De Cervantès à Cyril Pocréaux, quoi !
— Attends attends, je la note celle-là, je veux pouvoir écrire ça au moins une fois dans ma carrière… »

Mais ne rêve quand même pas trop, Nico : la flatterie n’empêchera pas l’exploitation !

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