Fragmentation de classe
Varzy (Nièvre), jeudi 3 octobre.
« Il faut protéger la société de l’immigration… ! Et les étrangers violeurs qui changent de sexe, ce n’est plus possible… ! Regardez ce squatteur sous OQTF dans un village… ! Et les conférences antisémites à Sciences-Po, quand est-ce qu’on dit stop ? »
J’en peux plus.
La télé est branchée, le son à fond, sur CNews (et ce sont de vrais thèmes de « débats », alignés en quinze minutes chrono, que je vous cite ci-dessus, je n’invente rien, et ça braille, même, avec je ne sais quel animateur et ses invités RN et macronistes), et j’en peux plus. Je déprime, même. J’étais venu au bistrot pour discuter, mais j’en ai marre, et de toute façon, on ne s’entendrait pas parler.
« Ouh là là, tout ça, la politique, je ne la suis pas, je suis neutre », lâche spontanément la toute jeune serveuse, qui semble deviner mon désarroi.
Au mur, une écharpe du centenaire de l’AS Varzy, le club de foot local.
Dans les fauteuils, l'ambiance est cosy, de vieilles dames essaient de discuter, par-dessus des commentaires télé en boucle. Maintenant c’est Retailleau qui explique qu’il y a trop d’impôts. à côté de moi, un gaillard à tatouages vient commander une bière. « Ouah, j’en peux plus, de ces infos », me sourit le gars qui l’a servi, un jeune qui est peut-être aussi le patron, l’air sympa.
— Ben fau