Francky, ma fracture sociale

Je voulais juste l’aider, Francky. Sa vie et sa chute m’ont surtout renvoyé à ma culpabilité…

Publié le 3 décembre 2021

« Monsieur, monsieur, tout va bien ? Vous êtes tombé ? — Oui… Oui ça va. Enfin, pas trop. Je me suis cassé la gueule, j’arrive pas à me relever. Vous pouvez m’aider s’il vous plait ? » Il marmonne ça avec difficulté. Sa prose est hachée. Il bute sur les syllabes, crache les mots plus qu’il ne les prononce. Comme si sa bouche était anesthésiée, sa mâchoire endolorie. Sa voix, elle, est éraillée. à ses côtés, par terre, une béquille… Il est deux heures passé, cette nuit-là, et j’arrivais à l’angle de ma rue. Saoul. Pas complètement raide, non, mais de cette ivresse qui rend insouciant. Un alcool léger, guilleret. Je rentrais des trente ans de mon collègue et camarade Sylvain, clope au bec, sous la lumière pâle des réverbères. Je ne pensais qu’au plaisir que j’éprouverais, dans quelques minutes, en me glissant dans mes draps. La soirée avait été belle. J’étais presque arrivé chez moi, donc, déjà en train de fouiller le fond de mes poches pour dénicher mes clefs, quand, sur le trottoir, une masse noire, inerte. Je plissais les yeux : un homme à plat ventre, face contre terre. « Attendez, je vais vous aider à vous relever. Comment vous êtes tombé ? — Je ne sais pas... — Et comment vous vous appelez ? — Francky. — Ok Francky, on y va ! » Je prends Francky par la taille et essaye de le relever. Il ne m’aide pas beaucoup : il ne tient pas sur ses jambes, son corps comme un mar

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