Le Capital raconté par … la boîte de Whiskas de mon chat

Quels liens entre notre caddie et leurs profits ? Quelle part de notre porte-monnaie va dans la poche de l’actionnaire ou de l’intérimaire ? Les petits objets du marché de proximité racontent les grands marchés mondialisés. Fakir remonte la filière de la production et de l’exploitation.

Publié le 3 décembre 2021

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Quelle boîte met Whiskas en boîte ?

Le groupe Mars, propriétaire de Whiskas, est un mastodonte de la malbouffe. Même si son pire fait d’armes est moins connu (voir Fakir 97 sur la tablette de chocolat) : Mars est visé depuis 2015 par trois actions de groupe, accusé en Californie par le cabinet Hagens Berman d’utiliser des enfants comme esclaves, notamment au Mali, en Guinée et en Côte d’Ivoire. Des gosses vendus par des trafiquants qui les enlèvent ou les achètent dans les pays voisins. À coups de « menaces physiques, exposition à des substances toxiques, transport de lourdes charges, travail forcé et absence de paie », ces collaborateurs d’un genre spécial « travaillent dans des situations extrêmes et particulièrement dangereuses », d’après un rapport d’Interpol de 2015. Avec Nestlé et Hershey’s, Mars exploiterait ainsi plus d’un million d’enfants dans ces pays, selon l’ONU.

Pour le reste, dans les livres de comptes, Mars c’est 115 000 salariés répartis dans 80 pays. En Europe les sites de production se situent à Melton Mowbray (Angleterre), Verden (Allemagne), Ávila (Espagne) et en France à Ernolsheim-Bruche (Alsace) ou encore à Saint‑Denis‑de‑l’Hôtel (Loiret). Sur des chaînes en grande partie automatisées, les pâtées pour minou défilent devant des ouvriers que l’entreprise préfère nommer « collaborateurs » ou « associés ». C’est que chez Mars, on a le sens de la formule et le souci de l’image. Sur Indeed, pour un poste « d’opérateur en ligne » dans leur « unité Petfood » du Loiret, l’entreprise promet « un poste où vous allez grandir et vous développer au-delà de ce que vous pouvez imaginer » et à cet autre « préparateur de commandes », payé au Smic, « des équipes conviviales et (…) des responsabilités pour tracer les lignes d’une grande carrière ! » Digne du lyrisme d’une Agnès Pannier-Runacher quand elle assure qu’on va bosser à l’usine « pour la magie »… Sur les réseaux sociaux du groupe, Thomas, « TeamLeader », assure que travailler pour la famille Mars c’est « un enrichissement constant pour toute personne motivée ». Pourtant ça ne ronronne pas tant que ça, et les dirigeants ont récemment accumulé les boulettes : 148 postes supprimés dans l’unité du Loiret en 2019, 216 dans les usines de confiserie du groupe en 2020, 280 postes en moins dans le Haut-Rhin en 2021. Whiskas c’est aussi le ronron continu et assourdissant de l’exploitation.

Ce qui nous tracasse dans Whiskas

Si les aliments ultra-transformés pour humains sont de médiocre qualité, avec ceux pour animaux les industriels y vont franco : pour qu’une pâtée puisse être étiquetée « cochon », il suffit qu’elle en comporte 4 %… Passons les procédés de fabrication, sur l’extrudeur de cuisson à la vapeur qui soumet les pâtées à des pressions et températures détruisant une bonne part de leurs qualités nutritionnelles. Ne chipotons pas non plus si on trouve dans ces aliments pour animaux du sulfate de zinc contre la prolifération des mousses et lichens, ou du sulfate de fer, un engrais pour pelouse servant aussi de colorant (au prix toutefois d’altérations du système respiratoire, des yeux et de l’épiderme). Pardonnons aussi cette arnaque, si fréquente, dans le secteur agro-alimentaire : lester le poids de l’aliment avec de la flotte. Car il n’y a que 41 % de matières sèches dans une boîte de Whiskas…
Quant à la promesse du fabricant d’une « teneur élevée en protéines », sachez quand vous sortez la pâtée de Félix qu’il n’y a que 9 % de protéines animales dans une boîte de Whiskas – et encore, du bas de gamme : abats, tendons, viscères. Problème : le blé ou l’amidon de maïs utilisés pour compenser ne sont pas assimilables par les chats. Ce qui cause diarrhées, troubles du comportement, eczéma, allergies et même cancers. Idem pour les cendres d’aliments brûlés dont on bourre les boîtes, et qui provoquent problèmes rénaux ou urinaires. En revanche la santé du groupe est elle au beau fixe, grâce, en partie, à des boîtes qui rendent malades nos copains félins et canins.

Qui fait de la caillasse avec Whiskas ?

Rien qu’en 2018, les actionnaires de Whiskas se sont enrichis de 37 milliards de dollars supplémentaires, pour atteindre 127 milliards de fortune cumulée. Une fortune qu’ils ne comptent pas laisser aux chiens, puisque les Mars font partie des dix-huit familles de multimilliardaires les plus actives en opération de lobbying auprès du Congrès américain pour abolir les droits de succession (en ayant dépensé, à cette fin, 500 millions de dollars, selon Public Citizen).

Mais ce ne sont pas des loups, non plus : la famille Mars finance des actions humanitaires, dans le cadre du Mars Volunteer Program, qui vont de la distribution de colis alimentaires à des aides aux sinistrés, et encourage vivement ses « associés » au bénévolat. « Bénévolat » un mot dont les enfants de Côte d’Ivoire doivent bien saisir le sens, eux qui peuvent s’enorgueillir d’être au service d’un groupe si prestigieux.

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