« Pour le chef d’inculpation de ‘‘Trahison sanitaire’’ ?
— Coupable !
— ‘‘Licenciements injustifiables’’ ?
— Coupable !
‑ ‘‘Avoir fait passer l’argent avant les gens’’ ?
— Coupable ! »
Sur la camionnette qu’on a louée pour ce « grand procès de Sanofi », qu’on a garée devant le siège du groupe, dans les beaux quartiers de Paris, sur la camionnette donc, y a Claire, la première, il y a cinq ans maintenant, à nous avoir écrit sur la Dépakine, avec ses deux enfants autistes. Y a Jean‑Louis et Thierry, les délégués CGT, bien en vie, plein d’envie. Y a Sandrine, Marion et Franck, des chercheurs du labo, devenus les « anti‑Sanofric ». Y a Bertrand, de Diabète et Méchant…
On est là, nous, pour mettre la colle entre ces gens, pour que ces univers se croisent, demeurent le moins parallèles possibles. Pour que, à Mourenx, dans les Pyrénées‑Atlantiques, où nous étions en octobre 2018, à l’occasion d’une « commission d’enquête officieuse », habitants, associations d’environnement, salariés et syndicalistes de Sanofi, Marine Martin de l’Apesac, se rencontrent, se découvrent un ennemi commun, qui licencie et déverse, là‑bas, des substances cancérigènes dans l’atmosphère. Qu’ils fassent front ensemble, du coup, qu’ils imaginent comment s’entraider, se renforcer. Et un an plus tard, on recommence, via un colloque à l’Assemblée nationale, avec l’Observatoire du Médicament, avec les associations de victimes du Lévothyrox, du Médiator et de tant d’autres, avec les médecins lanceurs d’alerte. Des gens qui menaient leur combat, mais séparément, chacun dans leur sillon, depuis des éternités, sans trouver le temps, le moyen, de se rencontrer. Ce jour‑là, des liens s’étaient noués, la parole s’était libérée, avait circulé, comme une soupape qui s’ouvrait.
Et tout ça, dans cet effort au long cours, tout ça, toujours avec la CGT Sanofi. Nous voulons rendre hommage, ici, à leur intelligence syndicale, à leur sens de l’intérêt général : les attaques contre leur boîte, ils auraient pu les ressentir comme des attaques contre eux, contre les salariés. Ça arrive souvent, ailleurs, ce genre de confusions. Ils auraient pu se dire, « chacun à sa place, et les vaches seront bien gardée : nous défendons, nous, les salaires, leurs primes, leurs emplois, et rien que ça ». Mais non, ils se sont interrogés, et ils s’interrogeaient avant nous, sur le sens de leur travail : « Quel est le rôle de leur firme dans la santé en France ? Produisent-ils, en priorité, les remèdes dont les Français ont besoin, ou ceux qui rapporteront des dividendes aux actionnaires ? » Ces réflexions, ils les menaient déjà. Aussi étaient‑ils mûrs pour se décloisonner, pour rencontrer les usagers, les malades. Et l’on se souviendra des larmes de Jean‑Louis, qui lui montaient aux paupières, de ses excuses devant les victimes de scandales sanitaires, lors du colloque à l’Assemblée… comme si c’était lui le patron de la boîte ! Et à vrai dire, si notre société ne marchait pas sur la tête, il devrait l’être, Jean‑Louis, le patron de la boîte. Avec Claire, Marine, Thierry, Sandrine, Marion, Franck, à ses côtés au conseil d’administration !