Les petites mains : la Ruffin Corporation Inc.

Le premier questeur de l’Assemblée nous a enfin éclairés : le boss dirigeait en sous-marin une multinationale !

Publié le 15 février 2021

« Ah vous me croyez pas ? Mélanie, Paul, venez, venez lui dire, que vous êtes payés mieux que ça ! »
C’était soirée télé, ce jour là, sur LCP. Y allait y avoir du sport : le patron face à Bachelier, le premier questeur de l’Assemblée, le gars qui depuis des mois fait l’anguille quand il s’agit d’accorder un 13e mois aux femmes de ménage à l’assemblée. On s’en régalait à l’avance.
Mais là, la déception ! Ce gros malin, pour esquiver le débat, n’avait rien trouvé de mieux que dénoncer les salaires des copains assistants parlementaires, soi-disant moins payés que les femmes de ménage.

Tu parles d’une découverte, on s’est dit ! Ouah le scoop !
Vingt ans qu’on vit sous le seuil de radinerie, à Fakir !
Bref, devant l’écran, on se tapait sur le bide, avec Ruffin en plein direct qui part dans le couloir, qui s’en va chercher les collègues, qui les ramène sur le plateau de LCP, pour démentir… Une sorte de bizutage, en fait : on en a tous connu, des moments comme ça, de grande solitude, sur un coup de tête du patron, dans des situations qu’on n’aurait pas imaginées deux minutes avant.

Mais à l’écran, Bachelier, un peu déconfit, continuait, et sortait son argument décisif, selon lui. Attention, roulement de tambour : « En tout cas, vous avez des actions dans le Groupe Ruffin. » Et de présenter une feuille, une sorte de schéma, avec des flèches partout (mais où on voyait rien).
Alors, là, silence.
On s’est tous regardés.
Le quoi ?
Le « Groupe Ruffin » ?
C’est le premier questeur de l’Assemblée, quand même, on s’est dit.
Donc un gars sérieux, digne de confiance.
Une firme, avec ses filiales ? Une corporation internationale ?
Le silence a duré.
« Purée, j’en étais sûr » a lâché Sylvain le premier. « Je savais qu’il montait une multinationale dans notre dos, depuis tout ce temps.
– C’était donc ça, les ventes du canard qui grimpent mais les augmentations pas possibles…
– Et cette histoire d’actions ? T’as des actions, toi ?
a demandé Pascale.
– Cherche pas, je suis sûr qu’il fout tous les bénéfices dans un paradis fiscal.
– Les grands groupes, ils doivent forcément avoir un CE, non ? Ce serait déjà un moyen de demander un jacuzzi »
, soupèse Magalie, opportuniste.

Il avait donc fallu un Florian Bachelier, gloire à lui, pour nous mettre face à la réalité : le groupe Ruffin Corp Inc. existait bien, aveugles que nous étions.

Au repas d’équipe, deux jours plus tard, le sujet est venu sur la table, entre le maroilles et le pâté picard.
« Et au fait, pour la Ruffin Corp Inc., tu pensais nous en parler ? Depuis le temps qu’on sue sang et eau pour ton canard…
– De quoi vous me parlez ?, il nous a sorti, l’air ahuri et la bouche pleine.
– Tu sais très bien ce qu’on veut dire.
– Ton collègue Bachelier, il nous a ouvert les yeux, enfin : le groupe Ruffin ! On en veut, des actions !
– Quoi ? Vous aussi, vous vous y mettez ? Ben très bien ! Allez-y ! Prenez votre carte à En Marche, tant que vous y êtes !
– Nous pousse pas. Mieux vaut la
start-up Nation qu’une multinationale, au moins c’est plus familial. »
Il a réfléchi, dégluti : « Et les petits plats du midi cuisinés par Fabien ? Les macarons amiénois offerts à tout le monde à Noël ? Les gâteaux à chaque anniversaire dans l’équipe ? Vous seriez prêts à faire une croix sur tout ça ? Ça vaut pas mieux que des actions anonymes ? »
Il nous avait aux sentiments, une fois encore. La start-up Nation attendra… Le jacuzzi aussi !

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