De : Claire
Date : sam. 17 nov. 2018 01:16
Objet : Victor roulé dans la semoule chez Picard
« Bonjour Cyril,
Excuse-moi de te déranger, je sais que tu es overbooké, mais là j’ai besoin de conseils sérieux… Mon fils Victor travaille chez Picard Surgelés comme vendeur pour un SMIC. Aujourd’hui son chef de secteur vient lui annoncer sa mise à pied immédiate, sans plus d’explications, sans lui donner le motif. Victor me dit qu’il ne sait pas pourquoi, qu’il n’a pas tué de p’tites vieilles, qu’il n’a pas volé dans la caisse… et je le crois. »
Quand j’ai reçu ce message de notre copine Claire, j’ai tremblé pour Picard : est-ce qu’ils savaient bien à qui ils s’attaquaient ?
Victor et sa maman, on les avait rencontrés avec l’affaire de la Dépakine (voir Fakir n° 79). Elle avait bataillé pour que ses fils soient reconnus autistes. Et voilà qu’après Sanofi, un autre grand groupe leur faisait des misères… « J’étais accablé, franchement. Ça a duré des semaines. J’avais envie d’aller casser toutes les vitres du magasin, je pétais une durite », raconte le fiston.
Tout commence après un arrêt de travail suite à un accident. Victor n’est « plus qu’une sous-merde » dans le magasin. Une jeune sous-chef, pas plus vieille que lui, s’amuse à le harceler. « ‘‘Espèce de sale connard, t’as aucune éducation’’, ‘‘Sale chien’’, elle me sortait des trucs comme ça… Ils avaient déjà harcelé une fille juste avant moi, parce qu’elle était lesbienne. » En bon Fakirien, Victor prend l’habitude de tout enregistrer, discrètement. Et contacte le délégué CGT. Du coup, Picard ne se fait pas trop prier pour lui trouver un nouveau poste, et en CDI… Mais cette fois, il est accusé d’avoir paumé neuf tickets de caisse et volé deux paquets de semoule « avec mélange traditionnel de champignons ». Il explose, Victor. « Qu’est-ce que j’en ai à foutre, de leur semoule ? Ma mère l’achète au marché, elle est meilleure, je leur ai dit. On n’accuse pas les gens sans preuve… »
Mais lui accuse le coup. Abattu, presque : « Ils ont le droit, de faire ça, tu sais… » Elle hurle à son tour, Claire. « ‘‘Tu crois ça ? On va voir !’’ je lui ai dit. Moi, c’est ça qui me sidère : qu’ils ne veuillent plus d’un employé, d’accord, mais pourquoi passer par des méthodes comme ça ? Pourquoi les pousser à bout, les dénigrer, et ne pas le licencier simplement, vu que ça ne leur coûte rien ou presque ? » Fâchée, Claire recontacte le délégué syndical, puis croise lors d’une réunion Fakir maître Oudin, qui décide de prendre le cas en mains. L’avocat va sérieusement pimenter l’affaire, et assaisonner les petits plats Picard, montrant la fragilité des accusations. « Moi, tout ce que je voulais, c’est qu’on reconnaisse mon honnêteté. Qu’on ne me traite plus de voleur », plaide Victor. Justement : une ancienne collègue de caisse avoue être l’auteure du vol. Ce qui n’empêche pas Picard de poursuivre la procédure… Tant pis pour eux : les juges des prud’hommes les condamnent finalement à lui verser près de 6000 euros.
Ça valait le coup, de pas baisser la tête…