Paris, le 23 mai
Ma mutuelle finit dans six mois, alors comme je suis au chômage, j’en profite pour faire la tournée des spécialistes : gynéco, dentiste, parodontiste…
Dans le cabinet de l’ophtalmo (un nouveau) :
« Et tu fais quoi dans la vie Johanna ? (Il a le tutoiement facile, apparemment.)
– Je suis au chômage là…
– T’étais dans quel domaine ?
– Je bossais dans la politique. Vous heu… tu connais François Ruffin ?
– Ah bah ouais.
– Ben voilà, je bossais pour lui.
– Pas la République en Marche alors ?
– Ah ouais non, pas vraiment. Et toi ?
– Ah non non non, moi non, la politique, moi, non, non rien du tout.
– Mais tu votes ?
– Ah non, moi je me suis dit que j’allais plus voter, là.
– Mais tu votais quoi ?
– Moi j’ai toujours été socialo hein… Même si les ophtalmos ça devrait être de droite, j’étais toujours socialiste… Mais tu vois je connaissais des députés, je leur disais, vous servez à rien. Comme ça : ‘‘Vous servez à rien.’’
– Ah ouais ? Pourquoi tu dis ça ?
– Regarde l’Europe. T’as voté quoi pour l’Europe ?
– En 2005 ? Je pouvais pas voter encore.
– Ah oui, bien sûr. Ben tu vois, ils nous ont bien entubés, quand même. Voilà, on a voté, et ils ont rien respecté du tout. Et toi tu vois quoi pour la suite ?
– Ben je sais pas. Y a beaucoup de colère, dans la rue et tout, mais avec les médias qui sont tous pro-Macron j’ai peur que ça se voie pas aux élections.
– Ah ben ça c’est sûr ! Macron, moi je l’aime vraiment pas. Il vient de la fausse économie, celle qui sert à rien. Ça, il peut pas le nier. C’est comme là, avec les Gilets jaunes. Ça me fait bien rire. Macron il s’est payé une campagne européenne gratos ! Zéro ! Ils organisent des débats partout là, c’est à nos frais, c’est nos impôts.
– Mais du coup toi tu veux plus voter ?
– Ah j’ai plus envie. Faudrait vraiment que ça change. Mais t’es jeune toi, et puis t’es une femme ! Moi je leur dis aux femmes, faut faire de la politique ! Ils vont bien être obligés de vous faire de la place ! Allez voilà ton ordonnance, c’était un plaisir. »